Alors comme ça, on sèche?

Rosa baissa les yeux vers la montre et soupira. 15h45… Depuis la matinée elle déambulait dans ces larges couloirs, croisant de temps à autres d’autres élèves séchant aussi. A quoi bon aller en cours, pour ce qu’on y apprenait ? Elle s’approcha d’une fenêtre et riva son regard sur les collines, ou plutôt, sur ce qu’il pouvait y avoir derrière ces collines. Puis ses iris fixèrent cette clôture métallique qui entourait ce foutu internat. Elle cracha sur le carrelage noir et blanc, continuant sa route au milieu des casiers rouillés à moitié défoncé. Tiens… Si au moins on pouvait s’en servir, ce serait bien. Seulement, qu’est-ce qu’on pourrait bien y mettre ? Son bloc note sous le bras et un stylo dans sa poche, elle s’installa en plein centre du couloir principal, ouvrant ce qui était censé abriter des cours à la première page. Vide. Deuxième. Vide. Troisième. Vide. Pas un seul mot, pas une seule lette n’était inscrite sur le papier fin. Ou presque. Sur une des pages, était juste noté un mot. Un petit. Une note qu’elle note qu’elle ne devait pas oubliée, presque illisible tellement elle était petite et tellement Rosa n’avait pas appuyé sur le crayon gris pour l’inscrire.

Je te reverrais, Jack.

Elle passa ses doigts fins sur ce petit mot qu’elle avait écrit pour elle, pour se souvenir de tous ces moments passés ensemble, juste pour ne pas oublier. Retrouverait-elle seulement sa trace… ? Son meilleur ami. Heureusement… Qu’il n’était pas avec elle ce jour là.

13 mois plus tôt, au cœur de la capitale du Pays.

Rosa fut coupée par un grand claquement de porte. Qui… ? Son regard parcourut la salle circulairement et elle ne tarda pas à voir deux hommes de noir vêtus. Deux hommes de l’autorité… Les gens s’éparpillèrent autours d’elle, partir, loin, jetant des regards inquiets vers l’arrière et cette jeune fille de 14 ans qui allait… Qui allait quoi ? Qu’allaient donc lui faire ces deux hommes ? Aucun doute que c’était pour elle qu’ils étaient là, dans cette petite auberge du centre de la ville. Bientôt, la salle fut vide, à l’exception du patron qui regardait d’un œil dubitatif la scène et Rosalie pétrifiée d’horreur. Il fit tomber le boc de bière qu’il était en train d’astiquer frénétiquement et le choc sembla le réveiller de sa torpeur, et il s’empressa d’aller chercher un balai pour rassembler et jeter les débris.

Il fallait bien que ça arrive… Rosalie, qui s’était levée de sa chaise, retomba lourdement dessus, faisant tomber quelques larmes sur le parquet ciré. Les deux hommes s’avancèrent et chacun lui prirent un bras, emportant la poupée de chiffon molle qu’elle était vers l’extérieur et l’entrainant dans une voiture aux vitres teintées. Tiens… Ca mère était morte dans une de ces voitures… Rosalie ferma les yeux, tout en se recroquevillant sur son siège. Jack… Tout le monde… Adieu, surement. Adieu.

13 Mois plus tard, maintenant, dans l’internat.

Rosalie se leva, et commença à marcher tout droit, sans regarder sur les cotés. Ces couloirs, elle les connaissait bien. Elle s’arrêta devant une porte et l’ouvrit, sans même songer à toquer. Jetant un coup d’œil rapide à sa montre, elle alla vers son pupitre e s’y assit, troisième rang coté fenêtre. 15h55… La classe était sans doute bientôt finit. Tant pis. Ce serait peut être 5 minutes d’ennui en moins. Elle porta un regard inquisiteur sur Mme Gates, la prof qui donnait cours à cette heure. Puis elle posa son calepin et son stylo sur la table, avec un sourire en coin déterminé. Allez, ça allai être sa fête, elle allait bien rigoler.

" En vous servant de cette règle d’orthographe, faîtes les exercices quatre et cinq page vingt-trois de votre manuel. En silence, évidemment. "

Geneviève regarda par la fenêtre. Derrière les clôtures de métal s’étalait de grandes collines verdoyantes. Mais qu’avait-elle fait ? Pourquoi avait-elle traîné ses enfants dans ce pays de dictature ? Pourquoi avait-elle accepté ce poste dans cet internat ? Pourquoi ?… L’erreur est humaine dit-on… Mais aussi humaine soit elle, l’erreur n’en restait pas moins… stupide. Accoudée sur le bord de la vitre transparente, son bracelet de montre appuyé contre sa joue droite, la jeune femme songeait à ce qu’elle avait laissé derrière elle. Faisant partie du personnel, elle pouvait sortir de la Boarding School mais ce n’était plus comme avant. Elle ne pouvait plus lire ces histoires que ses enfants aimaient tant. Celles où le héros triomphait toujours du méchant et où il s’enfuyait d’un pays gris pour vivre heureux. Ils avaient fait tout le contraire, il avait fui un beau pays pour un qui était sombre et triste. Le regard perdu dans le vide, elle songeait à sa vie d’avant, à la France. Il ne se passait pas un seul moment sans qu’elle ne se demande ce qu’était en train de faire sa famille… Son attention fut attiré par un bruit de porte.Elle tourna la tête en direction de celui-ci. Il s’agissait de Rosalie Beckerman, une élève de l’internat, qui séchait souvent les cours ces temps-ci. Geneviève savait que les adolescents qui vivaient ici n’était pas heureux d’y être, tout comme elle. Seulement, ne pas venir à tel ou tel cours ne servait à rien. Mais comment le leur expliquer ? Elle la laissa s’installer sans mot dire, sortir son carnet et son stylo. La jeune femme fixa attentivement la blondinette de ses yeux noisettes, un regard non accusateur, ni même chargé de reproches, juste un regard de compréhension. Elle consulta sa montre, elle indiquait 15h55. Plus que cinq minutes avant que la sonnerie ne retentisse. Peu de temps en somme…

" Vous terminerez vos exercices pour demain, si ce n’est pas déjà fait. "

Lasse, elle s’assit sur sa chaise, face à son bureau. Devant elle s’étalait quelques copies qu’elle n’avait pas envie de corriger. Son stylo rouge était débouché et posé sur celles-ci. Sa trousse était grande ouverte, son crayon à papier, sa gomme, son correcteur blanc et ses BIC bleu et noir ainsi sa petite règle en fer était sagement rangés dedans. Dans un angle, une piles de manuels tous niveaux attendaient sagement qu’on les consulte. Dépassant de leurs pages, des feuilles blanches noircies par les notes marquaient les passages dont elle avait besoin pour son cours. Elle regarda ses chaussures, converses vertes à fleurs dépassant de son blue jean. Son pull-over rayé bleu, vert et marron laissait dépasser sa chemise blanche légèrement froissée. Et la sonnerie retentit. Les élèves rangèrent précipitamment leurs affaires et attendirent qu’elle leur dise de sortir.

" Allez-y. "

Puis, se tournant vers la jeune demoiselle qui était arrivée à la fin du cours, elle ajouta :

" Pas toi Rosalie. "

Rosalie regardait à travers la fenêtre, son sourire en coin toujours accroché à son visage. Plus que cinq minutes et ce lieu monotone deviendrait un peu plus actif, sans doute. Surement. En fait, Rosalie commençait à en doutait et son sourire s’effaça. Logiquement, un professeur vous passer un savon quand on arrivait en plein milieu du cours et vous jetait un regard noir. Hors, Mme Gates n’avait rien fait de tout ça. Lorsqu’elle avait crut croiser son regard, elle n’avait lut ni exaspération ni colère. Etrange. Pour un professeur de cet établissement.

Rosalie… Considérait les professeurs tous pareils. De mèche avec les autorités et l’état. Comme pur la majorité des adultes, pour elle, ils avaient tous une partie de responsabilité dans la mort de sa mère. Tous. Et jamais elle n’avait envisagé que ces enseignants étaient contraints, tout comme elle, d’être ici, pour des raisons diverses et variées. Et encore moins que derrière ces cours et ces exercices, une véritable personne, avec un cœur pouvait vivre et respirer. Ou du moins, elle le savait, mais elle ne savait pas que cette personne pouvait éprouver de la pitié ou de la compassion pour ces élèves. Hors, c’était complètement faux. C’était, de plus, sans aucun fondement. Mais Rosa n’avait franchement pas creusé la question la très profond, le sujet la blaisant trop, au plus profond. Sa mère était morte, point. Et ils la laissaient prisonnière ici, ça s’arrêtait là, pour elle. Sans le vouloir, les professeurs étaient responsables de sa captivité. Oui, c’est ça. Comme un animal. Mais… Lequel ? Rosa tenait plutôt de la Colombe ou du Lion ? La sonnerie tira Rosalie de ses pensées et de sa rêverie.

La jeune fille reporta son attention sur l’enseignante et regarda les autres élèves s’en aller, la plupart avec un sac et toutes les fournitures nécessaires. Rosa… n’avait pas tellement envie de perdre son temps à tout préparer. Son stylo et son carnet lui suivait, et il était rare qu’elle prenne son eastpak bordeaux. De toute façon, elle n’écrivait jamais dans ses cahiers. Ni dans son carnet. Une fois que tous les élèves furent partis, Rosalie se leva et alla directement vers le bureau, abandonnant au passage ses quelques affaires sur sa table.

Elle se retint de rire. L’image qu’elle se donnait d’elle était vraiment puérile. Oui, ça l’amusait vraiment de se faire passer pour ce qu’elle n’était pas. Mais il fallait bien trouver une occupation. Celle-ci était, dans ce lieu, comme n’importe qu’elle autre. Rosa, au comble de son amusement, lâcha un soupir excédé. Seul son regard si parlant la trahissait. L’éclat noisette de son regard était mâtiné d’amusement et de malice. Ces yeux… Etaient si beaux. A faire fondre n’importe quelle chose. Mais nous ne sommes pas à New York au pays de spiderman, ni dans Fairytopia, et donc, les superpouvoirs n’était pas prévus. Sinon, l’internat aurait déjà était mis à sac, et ce foutu dictateur aurait sa tête accrochée à un piquet, comme à l’époque de la révolution ou la bastille avait était prise.

Rosalie sourit. Oh, oui, la tête ensanglantée de la directrice accrochée à un poteau était vraiment une image plaisante. Gore, mais réjouissante. Elle en eut presque les larmes aux yeux.

« Garde ça pour toi. Je sais que c’est interdit dans l’établissement. Mais cet internat est tellement pourri, ça ne changera pas grand chose. »

« Je n’ai pas l’intention de te sermonner. En plus, ça ne servirait à rien. Mais j’aimerais bien comprendre, tout de même. »

« Assis-toi. »

« A quoi penses-tu ? A la mort prochaine d’un de tes professeurs ? Ca a l’air de te faire sourire. »

[Minable... TwT J'éditerai peut-être.]